Actualités


 
<
Vendredi 3 novembre 2017
>
 
 


Centenaire de la mort de Léon Bloy (1846-1917)





George Desvallières, présenté au grand écrivain en 1904 par son jeune ami Georges Rouault, lui doit son retour à la foi. Ami de Barbey d’Aurevilly puis de Huysmans, Léon Bloy se brouille avec ce dernier après la parution de Là-bas (1891). Desvallières, influencé aussi par Huysmans dans sa conversion, tente de les réconcilier (Cf. G.D. et le S.A., p. 30-31). Après cette rencontre déterminante du 24 mars 1904 avec l’artiste, Bloy écrit le 21 avril 1904 : « Annexion définitive de deux peintres déjà rencontrés, Georges Rouault et George Desvallières, extraordinaires tous les deux, le premier s’empoisonne, le second se suralimente ». Cf. Léon Bloy, L’Invendable, 1904-1907, Paris, le Mercure de France, 1909, p. 12. (Cf. G.D. et le S.A., p. 26, 30, 31, 72. et Cf. G.D. et la G.G., p. 109)

Dans ses notes personnelles, Desvallières raconte comment ils ont l’idée de fonder ensemble La Torche, revue littéraire et artistique qui « devait mettre le feu au monde entier » et dont Bloy aurait été le principal collaborateur. Ce dernier en parle effectivement, le 28 avril 1904, comme « une tentative d’embrasement universel […] par un catholicisme intégral, absolu sans accommodement ni retour possible, une sorte de presse purificatrice restaurant le catholicisme des Va-nu-pieds, de ceux qui n’ont pas de joie en ce monde et dont la souffrance crie vers les plafonds du Paradis, le catholicisme des vaincus, des saignants, des sanglotants, des maudits, des désespérés, de ceux qui ont faim et soif, de ceux qui gèlent et qui brûlent, le catholicisme des grandes âmes ! » Cf. Léon Bloy, L’Invendable, op. cit., pp. 13 et suiv. Ce projet ne verra pas le jour, mais il liera les deux hommes d’un lien spirituel plus fort encore.

L’écrivain a la révélation des dons du peintre chrétien devant son Sacré-Cœur de 1905 qui lui fait prendre la plume pour écrire à son auteur : « Vous avez fait ce que personne, aujourd’hui, ne saurait faire. Vous avez fait un Sacré-Cœur à pleurer et à trembler. Vous avez déchaîné un lion. » Et il interprète : « Chacun de nous est sauvé par le Pélican Rédempteur qui peut sauver jusqu’à des notaires ! Mais il vous sauve très particulièrement, parce que le Cœur de Jésus avait besoin d’un peintre et qu’aucun peintre ne se présentait. » Cf. Léon Bloy, L’Invendable, op. cit., pp. 174-175. (Catalogue Raisonné, T. I, p. 50)

Léon Bloy a publié la première partie de son journal intime en 1898 sous le titre Le Mendiant ingrat. En 1916, paraît Au seuil de l’Apocalypse, le dernier volume de son Journal. Sa quête continuelle de l’absolu marque Desvallières pour toujours.

Léon Bloy meurt le 3 novembre 1917 (Cf. G.D. et la G.G., p. 109, Correspondance 1914-1918, p. 453), alors que le commandant George Desvallières se trouve sur le front d’Alsace, au secteur de L’Alsacienne sur la cote 425, où les combats vont s’intensifier. Il écrit à sa femme Marguerite et à Madame Léon Bloy, le 11 novembre suivant :


GEORGE À MARGUERITE
Lettre 1248, p. 453


11 novembre 1917

[…] J’ai écrit un mot à Madame Léon Bloy car j’ai vu dans L’Écho de Paris l’annonce de la mort de cet homme singulier, mais profondément croyant, et affectueux quoi qu’on en dise. Ses livres sont plein de vérités et ses critiques violentes sont le plus souvent justifiées. Je dis souvent à mon Aumônier Faure : « Pensons toujours à la poutre et la paille. Si la religion est malmenée, tournée en dérision parfois, demandons-nous si ce n’est pas surtout de notre faute. […] »


GEORGE À MADAME BLOY
Lettre 1249, p. 453


11 novembre 1917

Chère Madame,
Je vois dans le journal la mort de votre mari. J’ai toujours eu pour lui l’admiration et l’affection d’un artiste et d’un ami. Je lui dois en partie mon retour à la pratique de notre religion. Mais le cataclysme auquel nous assistons, auquel je prends ma part, ne m’a pas ménagé. Mes occupations, le poids de la responsabilité d’un chef de corps, mon deuil, mes angoisses pour le fils qui me reste, tout cela ne me permettait que d’écrire à ma chère femme. Et les mois, les années se sont passées, et voilà que l’ami auquel je devais tant quitte cette terre sans que j’aie pu lui écrire durant ces trois ans. Mais chaque jour, pourrais-je dire, j’ai prié pour Léon Bloy et sa famille. Je continuerai en chrétien et en ami. Je penserai à votre tristesse, mais je sais aussi votre foi, et combien Dieu peut soutenir ceux qui remettent entre Ses mains leur cœur meurtri.

G. Desvallières



Copyright © Catherine Ambroselli de Bayser, novembre 2017 | Contacts | Home